Le théâtre de Louise Michel
Dès son retour de Nouvelle-Calédonie, Louise Michel reprend ses activités de militante politique et se consacre à ce qui l’a toujours intéressée : le théâtre.
Sa première pièce, Nadine, est un mélodrame dans le goût du temps. L’intrigue s’organise autour d’un héros, Bakounine, aimé de deux femmes, qui mène la révolte dans la République de Cracovie en 1846. La pièce est riche en coups de théâtre, intrigues croisées et rebondissements. Elle est créée par Maxime Lisbonne au théâtre des Bouffes du Nord le 29 avril 1882. Elle soulève un énorme enthousiasme chez les communards. À travers la révolte polonaise, Louise parle de la Commune. La pièce a un grand retentissement, elle est suivie de près par la police. Elle compte une dizaine de représentations. C’est un théâtre populaire qui permet à des militants de se retrouver et de puiser des forces dans le spectacle.
À la fin du mois de mars 1883, Louise Michel est arrêtée au cours d ‘une manifestation d’ouvriers sans travail qui se termine par le pillage d’une boulangerie. Elle connaît alors des années de prison, de Saint-Lazare à la centrale de Clermont d’où elle sort en 1886. Elle se réjouit pendant sa détention d’avoir eu du temps pour écrire. Sa nouvelle pièce est représentée aux théâtres des Batignolles, de Montmartre et des Folies-Voltaire. Louise Michel se plaint des modifications que la censure a imposé à sa pièce, en effet jusqu’en 1906 toutes les pièces de théâtre devaient être supervisées par la censure avant d’être jouées.
Le coq rouge se déroule en France. s six actes mènent de la montagne aux mines de charbon du Nord en passant par la gare de Lyon et la prison Saint-Lazare. Les scènes sont courtes et les changements de lieux fréquents, les caractères des personnages sont tranchés, bons ou méchants. couple central est uni par une affection fraternelle et leur lutte pour la vérité et la justice. Louise Michel témoigne dans cette pièce de sa tendresse pour les petites gens et en particulier pour les femmes. Comme toujours les représentations sont surveillées par la police. Souvent l’auteure se déplace pour présenter sa pièce. Ces spectacles sont l’occasion de quêter pour les pauvres et les grévistes. C’est la seule pièce de Louise Michel a avoir été publiée, les textes de ses autres pièces sont aux archives de la censure.
En 1890 Louise Michel, qui était à Londres, adresse au directeur du théâtre de la Villette le manuscrit de sa dernière pièce, La grève. Elle lui laisse toute liberté pour la monter, mais se réserve le droit de statuer sur les modifications imposées par la censure. Le thème de la pièce est la dénonciation du système capitaliste. Les puissances de l’argent sont incarnées par une femme, qui exprime avec lucidité la stratégie des grands patrons capitalistes. La grève est un mélodrame historique d’inspiration polonaise. Le public se presse au théâtre de la Villette. La police rend compte le 20 décembre 1890 de la présence de 700 à 800 spectateurs dont 250 anarchistes. Aux entr’actes on chante des chants anarchistes et à la sortie La Carmagnole.
Les pièces néo-romantiques de Louise Michel avec leurs intrigues, leur pathos, leurs moments de lyrisme et leurs interventions musicales s’adressent à la sensibilité des spectateurs en leur présentant une vision idéalisée de leur lutte. Elles jouent un rôle important dans le rassemblement des anarchistes.
Monique Surel-Tupin